Sympetrum depressiusculum (de Selys Longchamps, 1841)


Sympetrum (Sympetrum) depressiusculum (de Selys Longchamps, 1841)
de Selys Longchamps E. 1841 - Nouvelles Libellulidées d'Europe. - Revue Zoologique, 4 : 243-246.
LT : Arona, Piémont, Italie

Libellula pedemontana de Villers, 1789 (nec Müller in Allioni, 1766) partim (var.)
Libellula flaveola Vander Linden, 1825 (nec Linnaeus, 1758) partim
Libellula roeselii
de Selys Longchamps, 1840 (nec Herbst, 1786) partim (forme Lombarde)
Libellula depressiuscula de Selys Longchamps, 1841
Libellula genei Rambur, 1842
Libellula spectabilis Brittinger, 1850 (mss ?) [A préciser !]
Sympetrum tenerrinum Buchecker, 1878
Sympetrum nubila Dziedzielewicz, 1902

Libellule depressiuscule [de Selys Longchamps & Hagen 1850], Sympétrum à abdomen déprimé [Robert 1958], Sympétrum à corps déprimé [Robert 1958 : A vérifier !], Sympétrum déprimé [Grand & Boudot 2006], Sympétrum dépressiuscule [Deliry 2019]
anglais : Spotted Darter - allemand
. : Sumpf Heidelibelle - coréen : 고추좀잠자리 - hollandais : Kempense heidelibe - italien : Cardinale padano - japonais : タイリクアキアカネ - polonais : Szablak przypłaszczony

NE 2020 UICN (en déclin) - VU 2008 Bassin méditerranéen (en déclin) - VU 2020 (VU 1988) Europe (en déclin) - EN 2016 France

Éléments de description
Réputée facile à confondre avec Sympetrum sanguineum, cette espèce s'en distingue néanmoins aisément. Les cas les plus difficiles peuvent concerner les mâles très matures. L'abdomen est applati chez Sympetrum depressiusculum, mais tend à s'arrondir chez les mâles âgés, il est légèrement clavé chez Sympetrum sanguineum. Celui-ci est chez les Sympétrum dépressiusculum orangé à maturité (plus rouge chez les vieux mâles) bordé de chaque côté des segments par des marques sombres de forme triangulaire. Les ptérostigmas sont plus grands et plus clairs chez Sympetrum depressiusculum, la nervation est nettement plus serrée et les ailes sont luisantes mordorées y compris chez les adultes. A l'habitude l'examen des pièces sexuelles est déterminant pour les deux sexes. - Les espèces voisines sont Sympetrum frequens et Sympetrum sanguineum.

Commentaires
Les noms Sympétrum déprimé ou Sympétrum à corps déprimé, généralement proposés par les auteurs, ne me semblent pas valables. Le terme depressus signifie applati et nous avons depressiusculum comme diminutif (Fliedner 1997). Il ne s'agit en rien d'une traduction du nom scientifique. D'ailleurs de Selys Longchamps & Hagen (1850) en l'appelant Libellule dépressiusculum ne se sont pas trompés et de Selys Longchamps (1841) a la paternité de ce taxon et j'adapte celui-ci sous Sympétrum dépressiuscule (Deliry 2019). Le nom Sympétrum dépressiuscule est donc une remobilisation du premier nom français donné à cette espèce par de Selys Longchamps & Hagen (1850) : la Libellule dépressiuscule. Il faut ensuite attendre 1958 pour trouver chez Robert, Sympétrum à abdomen déprimé, ainsi que quelques années plus tard sa variante : Sympétrum à corps déprimé. C'est ensuite Grand & Boudot (2006) qui réduisent ce nom à Sympétrum déprimé, nom qui a désormais le consensus de la communauté odonatologique francophone, mais qui ne me semble ni fondé, ni adapté.
Notons que la synonymie avec Sympetrum frequens proposée par Seehausen & Fiebeg (2016) paraît très incertaine (voir Asahina 1978). [A préciser !]. Il convient de souligner que si Sympetrum frequens était confondu avec le Sympétrum dépressiuscule, on se retrouve avec un hiatus important entre l'Europe (cf. depressisculum) et la Corée ainsi que le Japon (cf. frequens) [2020].

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©© byncsa - Jean-Michel Faton - Accouplement - Galerie photo du groupe Sympetrum

Répartition
Point général sur la France réalisé par Deliry (2019).

On trouve précocément cette espèce parfaitement illustrée par Hoefnagel (1575), originaire de France (détail de la planche LIV ci-dessous).

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Confirmée en France, probablement dans la région lyonnaise par de Villers (1789 : pedemontanum var. sans marques alaires). Signalée en Italie (roeselii forme lombarde : de Selys Longchamps 1840), confirmée lors de sa description en Italie (Arona) et dans le Midi de la France (de Selys Longchamps 1841). Signalée en Sardaigne (Rambur 1842), Autriche (Brittinger 1850), la Sicile, Lyon en France [?], Suisse (de Selys Longchamps & Hagen 1850), Allemagne (Buchecker 1876, Schmidt 2008), Algérie [cf. ?] (Lac Tonga : Martin 1910 ; non revue : Samraoui & Menaï 1999 et probablement douteuse). Serbie (Santovac & al. 2005). Proposée pour la Corée sous Sympetrum frequens par Seehausen & Fiebig (2016), il s'agit d'une espèce voisine !
Assez commune, elle est en Europe moyenne, dans le nord de l'Afrique [cf. ?] et en Asie (d'Aguilar & Dommanget 1988), Il s'agit d'une espèce européenne avec des affinités steppiques et méridionales [2019]. Il s'agit d'une des rares espèces menacées d'Europe à ne pas être confinée au Bassin Méditerranéen. On la trouve en Europe principalement en périphérie des Alpes et des Balkans ainsi qu’au sud de l’Europe centrale. Douteuse en Corse (XIXe siècle [?]) (Deliry 2017). Chypre [2020].
Les populations sont en déclin en Europe occidentale [2014]. Cette espèce est rare ou très rare, localement disparue dans de nombreux pays d'Europe. Elle est en fort déclin dans le Bassin Méditerranéen avec tendance à la disparition locale comme en Camargue, France (réputée disparue en 1987, je l'ai toutefois encore observée en nombre au sud du Mas d'Agon en 1999) ou au niveau de rizières de la plaine du Pô en Italie (Deliry 2017). A contrario elle est en augmentation aux Pays Bas avec de forts effectifs dans le nord dui Brabant en 1997 et le premier cas circonstancié de reproduction (Askew 2004). En augmentation en Belgique (Deliry 2017). On la trouve par ailleurs dans le sud de l'Italie (Calabre, Ombrie) selon des mentions qui pourraient ici aussi, témoigner d'une progression locale (Askew 2004).
Espèce menacée présente en Europe centrale, depuis la France (voire la Corse) et l'Italie à la Pologne, l'Ukraine et l'ouest de la Russie. Si elle manque sur une part importante de la Dalmatie, on la trouve dans les secteurs voisins de la Grèce et de la Bulgarie. On la connaît en outre sur Chypre [2020]. Elle est localement abondante [2019].
En France, elle apparaît en limite occidentale de répartition, l'espèce ne se rencontre que dans un nombre limité de localités significatives. On trouve l'espèce surtout dans le Sud-Est et principalement sur le bassin nivo-glaciaire de la Durance ou en continuité avec la plaine de Pierrelatte (Drôme). Elle est présente aussi de manière significative sur le Haut-Rhône (Ain, Savoie), ou dans les Gorges de la Loire (Loire, Haute-Loire) par exemple. Selon la fichie du CBNAFC & al. (2012), l'espèce est observée de manière occasionnelle en Franche-Comté (une dizaine de mentions) et aucune population n'est connue (à rechercher). C'est selon le même document une espèce Vulnérable (VU) en Alsace et placée sur la Liste orange en Rhône-Alpes.

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©© byncsa - Cyrille Deliry - Histoires Naturelles

Habitats
Préfère les petits habitats temporaires, en particulier ceux des zones alluviales des rivières et des lacs. On le trouve aussi sur des habitats artificiels comme les rizières ou les étangs empoissonnés [2014]. Sympetrum depressiusculum est un exemple d’espèce des milieux temporaires influencée par les caractéristiques des habitats terrestres qu’elle fréquente durant environ 3 mois. Les individus recherchent les endroits avec une végétation dense et riches en proies, ainsi les secteurs agricoles pauvres en Insectes sont-ils désertés. Les populations se répartissent en patchs selon les caractéristiques de l’environnement, en particulier si celui-ci est hétérogène (Dolnỳ & al. 2014). La distance maximale de reprise d’individus marqués est de près de 1200 m, les femelles s’éloignent significativement plus que les mâles en moyenne (Dolnỳ & al. 2014).
Les vallées alluviales lui conviennent dans la mesure où le fonctionnement hydraulogique est inversé, avec des assecs ou basses eaux en hiver et des hautes eaux en été. Ce phénomène s'observe dans des vallées au débit nivo-glaciaire car les eaux son gonflées en été par la fonte des neiges. Il est favorisé dans des fossés dont la gestion est destiné aux cultures en été, alors qu'ils ne sont mis en eau qu'à cette saison. On considère en Franche-Comté que la végétation arborée ou des roselières pourraient lui être favorables (CBNFC & al. 2012), néanmoins ce n'est généralement pas le cas et c'est a contrario une végétation rase, à tendance steppique qui lui convient. C'est une espèce de basse altitude, ne dépassant guère la cote de 600 m.

Phénologie
Vole de fin mai à octobre ; de juin à mi-octobre (d'Aguilar & Dommanget 1998). En Europe centrale la période de vol s’étend de début juin à mi-août et certaines bonnes années se poursuit jusqu’à mi octobre. Les émergences cessent début août, voire septembre. Parfois observée plus tard que la mi octobre, tel ce contact le 29 octobre 2002 dans la Drôme, France (Deliry 2008). Record en Suisse le 29 octobre 1999 (Monnerat 2001). Les œufs n'éclosent qu'au printemps suivant la ponte avec un développement larvaire de deux mois (Deliry 2017), parfois jusqu'à 5 mois.
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Phénologie en Rhône-Alpes (France) - © Groupe Sympetrum (réalisation : C.Deliry)

Biologie et conservation
L'importance des habitats terrestres pour les dortoirs est soulignée de cette espèce (Hykel & al. 2017).
Son vol, papillonnant, est similaire à celui de Sympetrum pedemontanum, l'espèce se pose souvent (d'Aguilar & Dommanget 1998). Cette caractéristique est peut-être à l'origine de la désignation anticipée de cette espèce comme une variété de Sympetrum pedemontanum par de Villers (1789).
Chez cette espèce la phase pré-copulatoire en tandem est très longue et dure de 2h30 à 3h00 (Miller & al. 1984). Les femelles pondent de préférence sur les grandes zones peu profondes, mais on les a vu aussi le faire dans des flaques d'eau (Sternberg & Schmidt 2000). La ponte se fait régulièrement en tandem.
Voir aussi : Šigutová & al. (2017).

Populations et odonatosociologie
Le sex-ratio établi sur 3863 exuvie et de 0,97 en défaveur des mâles (Dolnỳ & al. 2014). Une population où 622 individus furent marqués et 38 repris, permet une estimation de près de 58000 individus selon la méthode de Jolly-Seber (Dolnỳ & al. 2014). Les chiffres sont probablements exagérés du fait qu’ils ne peuvent tenir compte de la dispersion à distance, en dehors du site lui même : colonisation et migration (com. pers.).
Les espèces accompagnatrices caractérisées sont en France, dans la Drôme, secteur de Pierrelate Sympetrum pedemontanum et Chalcolestes viridis. On retrouve en Crau (Bouches-du-Rhône) de nouveau Sympetrum pedemontanum de même que sur les belles populations des Gorges de la Loire (Loire et Haute-Loire) ou de St André-des-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence) [2019].

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GNU - Andreas Thomas Hein - Allemagne le 28 septembre 2008 - Wikimedia commons

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©© byncsa - Laurent Rouschemeyer - INPN

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©© byncsa - Cyrille Deliry - Histoires Naturelles - France, Drôme, Pierrelatte le 14 juillet 2008

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©© byncsa - Cyrille Deliry - Histoires Naturelles - France, Ain, Culoz

Références
Asahina S. 1978 - Enigma about Sympetrum depressiusculum in the Far East. - Tombo, 21 (1-4).
Askew R.R. 2004 - The Dragonflies of Europe. (revised ed.) - Harley Books : 215 pp.
Buchecker H. 1876 - Systema Entomologiae. Pars 1. Odonata (Fabric.) europ. - Munchen. - [pdf]
CBNAFC & Observatoire régional des Invertébrés 2012 - Les libellules menacées de Franche-Comté. Sympetrum déprimé, Sympetrum depressiusculum (Selys, 1841). Famille Libellulidae. - Fiche espèces menacées. - [pdf]
d'Aguilar J. & Dommanget J.L. 1998 - Guide des Libellules d'Europe et d'Afrique du Nord. - Del. & Niestl., Lausanne : 463 pp.
de Selys Longchamps E. 1840
- Monographie des Libellulidées d'Europe. - Roret, Paris ; Muquardt, Bruxelles. - [oln]
de Selys Longchamps E. 1841 - Nouvelles Libellulidées d'Europe. - Revue Zoologique, 4 : 243-246.
de Villers C. 1789 - Caroli Linnaei Entomologia. - Lugdunum. - [oln]
Deliry C. 2017 - Odonata Europaea. - Histoires Naturelles nº49. - [pdf]
Deliry C. 2019 - Le point sur la présence du Sympétrum dépressiuscule (Sympetrum depressiusculum (Selys, 1841)) en France. - Libellul'mE, 21 février 2019.
Dolný A., Mižičová H. & Harabiš F. 2013 - Natal philopatry in four European species of dragonflies (Odonata: Sympetrinae) and possible implications for conservation management. - J. of Insect Conservation, 17 (4) : 821-829.
Dolný A., Harabiš F. & Mižičová H. 2014 - Home Range, Movement, and Distribution Patterns of the Threatened Dragonfly Sympetrum depressiusculum (Odonata: Libellulidae) : A Thousand Times Greater Territory to Protect ? - PlosOne, 9 (7). - [pdf]
Grand D. & Boudot J.P. 2006 - Les libellules de France, Belgique et Luxembourg. - Biotope, Mèze, (Collection Parthénope) : 480 pp.
Hoefnagel J. 1575 - Animalia Rationalia et Insecta (Ignis). - Planches.
Martin R. 1910 - Contribution à l'étude des Neuroptères de l'Afrique. II. Les odonates du département de Constantine. - Annls de la Soc. Entomol. de France, 79 : 82-104.
Miller A.K., Miller P.L. & Siva-Jothy M.T. 1984 - Pré-copulatory guarding and other aspects of the reproductive behaviour in Sympetrum depressiusculum (Sélys) in rice fields in southern France (Anisoptera : Libellulidae). - Odonatologica, 13 (3) : 407-414.
Monnerat C. 2001 - Prolongement de la période de vol de certains Odonates en octobre 2001. - Bull. Romand d'Entomol., 19 : 95-106.
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Vander Linden P.L. 1825 - Monographiae Libellulinarum Europaearum Specimen. - Frank, Bruxellis : 42 pp. - [oln]
Références à préciser : Brittinger 1850, de Selys Longchamps & Hagen 1850, Deliry 2008, Dziedzielewicz 1902, Fliedner 1997, Sternberg & Schmidt 2000.

Contributions particulières
J'ai transmis à P.Jacquot le 13 mars 2012, une photographie qui vient compléter l'illustration de la fiche sur les espèces menacées de Franche-Comté (CBNAFC & Observatoire régional des Invertébrés 2012).

Synchronisation : Odonates du Monde (non) - Odonates en France (non)